Une fée brahmine

Vivre dans un château n'est pas évident, surtout lorsqu'on ne mesure tout juste qu'un mètre comme c'est le cas de la fée brahmine. Ouvrir une porte (si l'on en atteint la serrure !) revient à vouloir inverser la rotation d'une planète. Atteindre une étagère est comme gravir l'échelle des âges. Les pierres si grosses si belles sont telles que pour maintenir l'équilibre du lieu, le reste du quotidien doit se montrer monumental. Dissimulés ici et là, nous avons placé des marches-pied pour elle et petit à petit, la fée brahmine se fait au lieu.

Nous l'avons vue virevolter dans le château à la recherche de tous les passages. J'apercevais des paillettes et le murmures secrets de quelques formules mystiques, chevelure-comète d'une fée brahmine, qui plongée dans son monde étrange, continuait son exploration. Son regard semblait ne pas entendre la même chose des pierres. Ses pieds nus ne se posaient pas exactement sur les mêmes siècles. Nous ne sentions en fait que le halo de ses découvertes.

L'eau des douves circule de part et d'autre du château et, environ cent mètres en contrebas, une cascade douce marque l'existence d'un bassin d'ondes claires. Là nous y avons lâché la fée brahmine. La chaleur de la canicule pénètre l'épaisseur de nos murs. Les nuits qui s'enchaînent sans fraicheur laissent le château en apnée et les pièces en deviennent étouffantes. Quelques coulées dans le bassin étaient les bienvenues !

Mon ami, qui est coureur de dièdres, a doucement lâché le corps de la fée brahmine à la surface de l'eau et nous l'avons vue filer devant nous, de la nage assurée d'une loutre, pour la première fois. Je suivais attentivement le roseau de son tuba, dernier indice qu'il nous restait de l'être en voie de devenir de plus aquatique.

Les gens autour restaient également les yeux rivés sur elle. C'était quelque chose de voir cette fée brahmine prendre possession de la limpidité et métamorphoser la surface calme devant elle en une onde rapide. Une certitude infusée dans les lieux l'avait soudain inspirer : les corps en vie ne coulent pas. Et de corps, aussi mystique qu'elle soit, la fée brahmine en possède un qui pénètre toujours plus profondément l'étendue du monde.

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